14/03/2022 – Installations nucléaires de Tchernobyl : point de situation

Dernière minute (à 15h30)

D’après une communication (sur Facebook) du gestionnaire du réseau électrique ukrainien, NEC Ukrenergo, la ligne électrique haute tension qui alimente les installations nucléaires de Tchernobyl (et la ville de Slavoutich) a une nouvelle fois été endommagée (elle avait été remise sous tension le 13/03 à 19h07). Si tel est le cas, les installations nucléaires dépendent à nouveau entièrement des équipements de secours (générateurs électriques au diésel).

Restauration annoncée de l’alimentation électrique externe

Dans une déclaration publiée le 13 mars dans la soirée, le directeur de l’AIEA indique que le responsable d’Energoatom (l’exploitant des centrales nucléaires ukrainiennes) lui a annoncé que les équipes d’intervention ukrainiennes étaient parvenues à réparer la ligne électrique qui avait été endommagée la semaine dernière, restaurant ainsi l’alimentation électrique externe des installations nucléaires de Tchernobyl, quatre jours après une coupure totale imposant le recours aux équipements de secours. Si l’information est confirmée, c’est un profond soulagement car le recours aux générateurs électriques diésel reste une solution précaire et relativement risquée. À noter cependant que cette information n’est pas confirmée par le SNRIU, l’organisme en charge du contrôle de la sûreté nucléaire, dont le site Internet n’a pas encore été actualisé (ce lundi 14/03 à 12h30).

La situation des installations nucléaires de Tchernobyl et Zaporijjia reste évidemment dégradée et la CRIIRAD maintient son dispositif de surveillance accrue.

Précisions sur les risques potentiels pour l’installation ISF-1

L’inquiétude concernait tout particulièrement la piscine qui contient 19 442 assemblages de combustibles irradiés provenant des réacteurs n°1, 2 et 3 de l’ancienne centrale de Tchernobyl (bilan SNRIU au 10/03/2022). L’électricité est indispensable pour assurer, entre autres, le refroidissement et le traitement de l’eau ainsi que la ventilation de l’air au-dessus de la piscine. Une perte totale d’alimentation, à la fois externe et interne, peut avoir, à relativement court terme, des conséquences majeures car, faute de ventilation, l’hydrogène produit pourrait atteindre des concentrations explosives (ce fut par exemple le cas, à plusieurs reprises, à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi). Comme nous l’indiquions dans notre communiqué du 11 mars, la question centrale est cependant celle de la cinétique de la montée en température de l’eau et de l’accumulation d’hydrogène dans l’air. Contrairement à ce qui est survenu au Japon en 2011 (combustible chargé dans les réacteurs ou déchargé assez récemment), à Tchernobyl, cela fait plus de 20 ans que les assemblages ont été retirés des réacteurs. Le combustible a donc perdu une partie notable de sa radioactivité et la production de chaleur a fortement décru.

Un rapport de sûreté datant de 2008 conclut à un délai, relativement rassurant, de plus de 15 jours avant d’atteindre des concentrations explosives en hydrogène dans l’air au-dessus de la piscine. La CRIIRAD n’a pas eu accès aux calculs qui étayent ces estimations. Des démarches sont en cours pour disposer de plus de données sur cette question cruciale.  

L’association des autorités de sûreté nucléaire de l’Europe de l’Ouest (WENRA) a publié également un communiqué indiquant qu’en cas de perte de la ventilation, le risque d’explosion serait très faible (compte tenu de la baisse d’activité du combustible et de la cinétique très lente de la production d’hydrogène), précisant en outre que le risque pouvait être réduit en ouvrant les portes (ce qui permettrait un certain niveau de ventilation de l’atmosphère de la salle qui contient la piscine). Aucun plan de l’installation n’est toutefois fourni, ni aucun rapport scientifique. Par ailleurs, le communiqué de WENRA ne traite pas de l’ensemble des configurations à risque et notamment du scénario pénalisant évoqué dans le rapport de sûreté de 2008 (perte d’étanchéité, incapacité de recharger en eau) qui laisserait aux opérateurs un délai d’intervention à peine supérieur à une journée). 

Inquiétudes quant à la capacité d’intervention du personnel

Le SNRIU et l’AIEA continuent d’alerter (en vain) sur la nécessité de remplacer le personnel qui est bloqué sur le site depuis le 24 février dernier. L’AIEA précise que le SNRIU lui a indiqué le 13 mars au matin que « le personnel de la centrale nucléaire de Tchernobyl ne procédait plus à la réparation et à la maintenance des équipements liés à la sûreté, en partie en raison de leur fatigue physique et psychologique après avoir travaillé sans interruption pendant près de trois semaines ».

Autre sujet d’inquiétude signalé par le SNRIU, l’approche de la « saison des feux » , au cours de laquelle des incendies spontanés se produisent souvent dans la zone d’exclusion, toujours très contaminée. La guerre est susceptible d’augmenter les départs de feu et surtout d’entraver les possibilités d’intervention des services de secours.

Contact : Bruno CHAREYRON, Directeur du laboratoire de la CRIIRAD, +33 6 27 27 50 37 • bruno.chareyron@criirad.org

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